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4. Ria d’Etel. L’eau en partage 4. Ria d’Etel. L’eau en partage

Les agriculteurs, les conchyliculteurs et les pêcheurs à pied ont réalisé qu’ils faisaient partie du même bassin versant.

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Imaginez un bassin versant filant vers la mer, un enchevêtrement de 500 km de ruisseaux et rigoles en pente douce vers la ria d’Etel, sur la côte sud de la Bretagne. Cette ria constitue une mer intérieure de 2 200 ha et s’étire sur 120 km de côte. Elle se remplit et se vide à chaque marée. Elle est alimentée en eau douce par de multiples cours d’eau dont la qualité dépend, entre autres, des terres environnantes. L’ensemble est réparti sur dix-sept communes

Une tonne à lisier vidée

Cette ria abrite une cinquantaine d’entreprises conchylicoles et 400 exploitations, surtout d’élevage, un peu moins de maraîchage. Et voilà qu’en 1996, un agriculteur embourbé avec sa tonne à lisier décide de la vider sur place, autant dire dans la rivière. Un incident d’un autre temps qui va déclencher la démarche vertueuse des agriculteurs, conchyliculteurs et pêcheurs à pied de la ria d’Etel.

Louis Hervé, maire de Locoal-Mendon et agriculteur, est interpellé à ce sujet par son ami, Jean-Noël Yvon, ostréiculteur sur la même commune. Il accepte son invitation de venir écouter les doléances de ces producteurs d’huîtres. Sans chercher à excuser l’agriculteur inconscient. Ainsi naît peu après le Comité professionnel agricole et ostréicole de la communauté de communes de la ria d’Etel, qui permettra aux deux métiers de se découvrir.

Jean-Noël Yvon élève ses coquillages sur quatorze hectares de ria. Une production peu intensive de 50 t d’huîtres naturelles (pas de triploïdes, des huîtres exclusivement nées en mer). Un métier rude, gourmand en temps et en manipulation : une huître, avant d’être consommée, est manipulée cinquante fois. Pour lui, il est indispensable que les agriculteurs prennent conscience de son métier.

Des coquillages sensibles

Une rencontre d’autant plus indispensable pour les conchyliculteurs que l’Europe a imposé, en 1994, une nouvelle réglementation. Et leurs huîtres risquent d’être classées en catégorie B. « Notre souci n’était pas tant les pesticides agricoles, montrés du doigt, que les pollutions bactériennes. Les coquillages y sont très sensibles. Nous avons dit aux agriculteurs : si vous faites n’importe quoi, nous ne pourrons plus travailler. »

Laurence Annic est coexploitante sur le bassin versant, membre des groupes de développement et aujourd’hui coprésidente du comité professionnel. Elle se souvient des premières réunions : « Certains éleveurs n’avaient pas compris qu’il y avait des huîtres aussi près de leurs champs. Nous n’avions pas précisément conscience de faire partie du bassin versant. Nous avons appris à nous parler. Nous avons élaboré un dictionnaire : phyto chez les agriculteurs, c’est phytosanitaire. Chez les pêcheurs, c’est phytoplancton. » Très vite, ils se mettent d’accord sur trois objectifs : préserver la qualité de l’eau, conforter les activités primaires et favoriser le dialogue entre les milieux maritimes et terrestres. Jean-Noël poursuit : « Nous ne mettions pas tout sur le dos des éleveurs. Nous avions déjà observé que les pics de pollution se produisaient lors des grandes périodes d’affluence touristique. »

Travailler ensemble

Les sources de contamination bactériologique proviennent du stockage et de l’épandage du fumier, des dysfonctionnements de la collecte des eaux usées, voire de leur non-collecte, des rejets des mobile homes ou cabanes sur des terrains non équipés. « Les professions ont été suffisamment intelligentes pour s’entendre », rapporte Agnès Jouin, de la chambre d’agriculture, qui a accompagné le dossier. Le comité professionnel invite aussi à ses réunions les associations de protection de l’environnement. Une première à l’époque.

En 2001, la communauté de communes de la ria d’Etel devient le porteur administratif du diagnostic des pratiques à risque sur le bassin versant. Locoal-Mendon sert de commune cobaye. La chambre d’agriculture met en œuvre cette approche avec toutes les bonnes volontés locales, conchyliculteurs, agriculteurs, pêcheurs à pied mais aussi artisans, commerçants et particuliers. Le diagnostic de territoire sera ensuite posé sur tout le bassin-versant, avec l’appui d’un cabinet spécialisé sur le littoral : « Au fil des échanges, on a découvert des ruisseaux non répertoriés sur les cartes IGN », rapporte Agnès Jouin.

Le linéaire des ruisseaux passera de 317 km à 471 km. L’implantation de bandes enherbées sur les parcelles en bordure de ria, dès 2001, conduit à une amélioration sanitaire. Les coquillages retrouvent leur classement en A. Le diagnostic participatif territorial va permettre de construire les bases du programme de bassin versant lancé en 2005. Ce programme sera porté à partir de 2007 par le syndicat mixte de la Ria d’Etel, auquel adhèrent alors les trois communautés de communes du bassin.

Sur le métier, remettre l’ouvrage

Aujourd’hui, ce syndicat mixte pourrait, bon gré mal gré, devoir se fondre dans un plus grand ensemble depuis la réorganisation des intercommunautés en 2016. Du côté des conchyliculteurs, la vigilance est plus que jamais de mise : des règles toujours plus strictes exigent de nouvelles pratiques. « Pour la vente et l’agrément sanitaire, qu’on soit en B ou en A, il faut passer les huîtres en bassin insubmersible avant chaque expédition. Si le classement passe en C, comme cela a été le cas pour certaines zones du Morbihan en 2013, beaucoup seront contraints de mettre la clé sous la porte. Les communes sont conscientes du problème, lié à l’urbanisation, à l’afflux de tourisme. Le combat continue pour nous permettre de bénéficier d’une eau de qualité, de ne pas laisser aux générations suivantes un espace de vie et de travail dégradé », conclut Jean-Noël.

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